Financiarisation de l’économie  : Du troc au trading

La financiarisation de l'économie fait référence à un processus par lequel le secteur financier prend une importance croissante dans l'économie, au détriment de ce que l’on nomme l’économie réel 

Ce phénomène se caractérise par une augmentation des activités financières, telles que la spéculation, la gestion de portefeuille, le négoce d'actifs financiers, par rapport aux activités économiques traditionnelles liées à la production et à l'échange de biens ou de services tangibles. 

Pour faire simple voire simpliste : 

Acheter des actions d’une entreprise céréalière = économie financière 

Acheter du pain = économie réelle 

Si l’un et l’autres sont liés, puisque le prix du pain dépend du cours des céréales, l’un est beaucoup plus éloigné de l’activité de production et de consommation directe. Et pour comprendre comment et pourquoi nous sommes passés du troc de céramiques au trading algorithmique, une petite plongée historique s’impose.   

 

  1. Du troc à l’invention de la monnaie 
  2. La monnaie comme intermédiaire d’échange 
  3. Avènement de la monnaie fiduciaire comme puissant système de croyance 
  4. Monnaie et établissements bancaires 
  5. Des bourses de commerce aux bourses financières 
  6. Financiarisation globale de l’économie moderne 

 

Du troc à l’invention de la monnaie 

Dès les premières sociétés organisées, des formes primitives de don, d'échanges et de crédit existaient déjà. Ce que l’on nomme communément « le troc » se basait sur l'évaluation subjective de la valeur des biens échangés.  

Pour Marcel Mauss, anthropologue français, le don ou l’échange, crée un lien de dette entre le donneur et le receveur, et le receveur est implicitement obligé de faire un contre-don pour rétablir l'équilibre social.  

Ce contre-don peut prendre différentes formes selon le contexte culturel, mais il est essentiel pour maintenir l'harmonie sociale et éviter toute rupture des liens qui fondent une société fonctionnelle. Cette réciprocité crée un cycle d'échanges qui renforce les liens sociaux et maintient la cohésion sociale au sein de la communauté.1 

Un modèle économique rendu possible par un mode de vie communautaire et des liens directs entre producteurs, consommateurs et matières premières. 

Avec le développement de l’agriculture, les populations se sont sédentarisées et spécialisées, permettant ainsi d’améliorer la qualité des outils et des services et créant une interdépendance toujours plus importante entre les individus. Il a fallu se regrouper au sein de communautés plus larges comme les villes ou les villages, véritables centres névralgiques de l’activité économique.  

Avec la création des routes et l’amélioration des transports, la distance des échanges commerciaux se sont considérablement rallongées et le troc s'est avéré insuffisant pour répondre aux nouveaux besoins.  

Alors qu’il devenait parfois complexe de transporter des marchandises sur de longues distances sans être certain de pouvoir les échanger, s’ajoutant à cela le risque d’abîmer, de perdre ou de se faire voler, la monnaie a progressivement émergé…  
 
 


La monnaie : des origines floues mais des motivations claires 

Déterminer une date précise pour l'apparition de la monnaie est un défi pour les historiens. Les traces archéologiques suggèrent que des formes primitives de monnaie, telles que des coquillages ou des pierres précieuses, existaient déjà dès le 10 000 av. J.-C. dans différentes régions du monde. 

Cependant, c'est à partir de 3000 av. J.-C. environ que l'utilisation de la monnaie se généralise, en particulier dans les civilisations mésopotamiennes et de la vallée de l'Indus.  


En tant que moyen d'échange universel accepté par tous, la monnaie permettait de contourner les obstacles liés au troc en offrant une unité commune de valeur permettant d'évaluer les biens et les services. Cela a permis d'élargir le champ des échanges économiques, de stimuler le commerce et d'accroître encore plus la spécialisation économique.
 

La monnaie répondait également à d'autres besoins économiques et sociaux des sociétés humaines. Elle servait de réserve de valeur, permettant aux individus de stocker leur richesse et de la transporter plus facilement que des biens physiques. Elle facilitait également la mesure et la comptabilisation des transactions économiques. 

Au fil des siècles, la forme et la nature de la monnaie ont évolué considérablement. Des métaux précieux comme l'or et l'argent ont longtemps servi de base aux systèmes monétaires, en raison de leurs propriétés physiques (rareté, durabilité, malléabilité) les rendant idéaux pour une utilisation comme monnaie.  

« Les banquiers italiens, à la fin du Moyen Âge, inventent alors la lettre de change qui permet aux marchands de ne plus se déplacer avec leur coffre d’or. Il s’agit d’un système astucieux et sûr qui permet au porteur d’une créance (celui à qui on doit de l’argent) d’être payé auprès d’un bureau de change. Sur la lettre de change sont inscrits le montant et la date de paiement. 

Les bureaux de change s’imposent sur les plus grandes places commerciales d’Europe. La banque est née. Petit à petit, l’or tend à disparaître ».2 

Avec le temps, les billets de banque, les chèques, et désormais les transactions dématérialisées, ont progressivement pris le pas sur les pièces métalliques. C’est ce que l’on nomme la monnaie « fiduciaire » qui prend le relai de la monnaie « métallique ».   

 

Avènement de la monnaie fiduciaire comme puissant système de croyance 

La valeur de la monnaie fiduciaire repose largement sur la confiance et la perception qu'une société lui accorde. Pour faire court, un billet de 500 euros n’est rien de plus qu’un morceau de papier avec de jolis dessins dessus. 

David Hume, philosophe écossais du 18e siècle et économiste, soutient que la valeur de la monnaie est le résultat d'un consensus social et de conventions acceptées par la société. Il souligne que la confiance dans la stabilité de la monnaie est essentielle pour maintenir sa valeur, et que toute rupture de cette confiance peut entraîner une perte de valeur de la monnaie3. 

 

 

 

Lorsqu'une population perd confiance en sa monnaie, cela peut entraîner une série de conséquences économiques et sociales graves, notamment une hyperinflation, une dépréciation rapide de la valeur de la monnaie, une fuite des capitaux, une instabilité financière et des troubles sociaux. 

 
 

Monnaie et établissements bancaires 

L'émergence des banques est étroitement liée à l'histoire de la monnaie, mais elle n'a pas nécessairement été causée par son avènement. Les banques ont évolué au fil du temps en réponse aux besoins économiques et financiers des sociétés humaines, et leur apparition peut être datée de différentes périodes de l'histoire, selon les critères utilisés pour définir ce qu’est une banque. 

Les greniers, lieux de stockage de la nourriture, n’étaient-ils pas, finalement, les premières banques (alimentaires) ? En cas d’importantes sécheresses, des stocks importants permettaient de maintenir le coût des denrées alimentaires à un niveau relativement stable. 

Cependant, le concept moderne de banques, avec ses activités de dépôt, de prêt et d'intermédiation financière, s'est développé plus tard. Les historiens situent souvent l'émergence des banques modernes au Moyen Âge, en particulier en Europe, où les marchands et les changeurs ont commencé à offrir des services de dépôt et d'échange de devises dans les grandes villes commerciales. 

À partir la Renaissance, les banques italiennes telles que la Banque de Venise et la Banque des Médicis, étaient parmi les premières institutions à offrir des services déjà sophistiqués : comptes courants, lettres de change, prêts commerciaux, etc.  

Ces institutions ont joué un rôle crucial dans le financement du commerce international et ont contribué à la prospérité économique du vieux continent. Elles ont, plus tard, été essentielles dans le financement des expéditions maritimes qui permirent la découverte de nouveaux continents.    

 
 
Des bourses de commerce aux bourses financières   

À l'origine, les bourses étaient des lieux de rencontres où les marchands se réunissaient pour échanger des biens matériels tels que des produits agricoles, des textiles, des métaux précieux, des épices, etc. Ces « marchés » antiques puis médiévaux (dont on conserve le mot aujourd’hui) étaient des événements périodiques organisés dans les grandes villes commerçantes, où les marchands locaux et étrangers se rencontraient pour mener leurs transactions. 

 


 

Les actions, représentant des parts de propriété dans une entreprise, ont vu le jour au Moyen Âge. On en trouve les premières traces en France, à Toulouse, en 1250, où la société moulins de Bazace fixaient déjà la valeur de ses actions en fonction de la rentabilité des moulins4.  Plus tard, les actions permettront de financer des projets risqués, tels que les explorations maritimes. En échange de leur investissement, les détenteurs d'actions recevaient une part des bénéfices de l'entreprise et pouvaient participer aux décisions stratégiques. Un peu comme aujourd’hui.  
 
Les obligations, quant à elles, sont apparues un peu plus tard, principalement au XVIIe siècle. Elles représentent une dette contractée par une entité, telle qu'une entreprise ou un gouvernement, auprès d'investisseurs. En échange de leur prêt, les créanciers reçoivent des intérêts réguliers et le remboursement du capital emprunté à une date déterminée. Les obligations ont joué un rôle crucial dans le financement des grands projets d'infrastructure et des guerres. 
 
« L'émission d'obligation est un phénomène très ancien, qui remonte à la Renaissance et vise à abaisser le coût de la dette royale, le marché obligataire étant une composante de la bourse ».5 

La création des Bourses modernes ont permis de centraliser les échanges et d'accroître la transparence des marchés. Avec l'essor de l'industrialisation au XVIIIe et au XIXe siècle, les marchés boursiers ont continué à se développer, à s’intensifier et à se diversifier. Les bourses se sont modernisées et ont adopté des pratiques de négociation plus sophistiquées, telles que la cotation continue des prix et l'utilisation de systèmes de communication et de cotation électroniques. 


 
Contrairement à d'autres méthodes de cotation, telles que la cotation à la criée où les transactions sont regroupées à des intervalles spécifiques, la cotation continue permet aux investisseurs d'acheter et de vendre des titres à tout moment pendant les heures d'ouverture du marché. 
 
La cotation continue des prix repose sur le principe de l'offre et de la demande, où les prix des titres sont déterminés par les transactions entre acheteurs et vendeurs sur le marché. Lorsqu'il y a une demande accrue pour un titre donné, son prix a tendance à augmenter, et vice versa. Les fluctuations des prix sont influencées par divers facteurs, notamment les conditions économiques, les nouvelles financières, les annonces d'entreprises et les tendances du marché. 

 

 

Plus les technologies de l’information se sont améliorées, plus il est devenu simple de connaître la valeur d’un bien ou d’une entreprise en fonction des contingences et des évènements géopolitiques.  

L'avènement d’internet, des ordinateurs à haute vitesse et les algorithmes de trading, a considérablement accéléré la transmission et le traitement de l'information sur les marchés financiers.  Les plateformes de trading en ligne et les systèmes d'information financière en temps réel ont permis aux investisseurs d'accéder à une gamme plus large de données et d'exécuter des transactions plus rapidement que jamais auparavant. 

Cette modernisation de l'information a également conduit à l'émergence de nouvelles stratégies de trading, telles que le trading haute fréquence, qui exploitent la vitesse de traitement des ordinateurs pour réaliser des transactions en fractions de seconde.  

 

Financiarisation globale de l’économie moderne 


Au fil du temps, le secteur financier s'est considérablement développé, devenant plus complexe et tentaculaire. Les institutions financières telles que les banques, les sociétés de gestion d'actifs, les fonds spéculatifs et les sociétés de capital-investissement exercent une influence croissante sur l'économie en mobilisant des ressources titanesques. 

La financiarisation entraîne une marchandisation accrue des activités économiques, où des aspects de la vie quotidienne sont traités comme des produits financiers échangeables sur les marchés. Par exemple, des pratiques telles que la titrisation des prêts hypothécaires, la spéculation sur les matières premières agricoles et l'externalisation des services publics vers des entreprises privées contribuent à transformer divers aspects de l'économie en actifs financiers. 

 


 

« La financiarisation est un processus qui s’inscrit dans l’histoire du capitalisme et qui touche au mode de régulation de l’économie et à la logique. Le développement du capitalisme dans sa phase industrielle reposait sur l’expansion de la production. Le capital (l’argent qui est réinvesti) devait être alloué en partie à des investissements productifs, c’est-à-dire qui permettent d’augmenter la capacité de production (par exemple, l’achat de machines plus performantes ou la construction de nouvelles usines). 

La logique financière est tout autre. Le capital n’a plus à passer par le détour de la production pour fructifier ; sa simple circulation engendre une création de capital neuf. L’investissement à court terme devient la norme et c’est la spéculation qui fait augmenter la valeur d’un actif. Posséder un actif financier, c’est posséder le droit sur un revenu futur, obtenu par une fluctuation de la valeur de cet actif que génère la spéculation ».6 

La financiarisation se manifeste également par une prédominance accrue des logiques financières dans la prise de décision économique. Les entreprises sont de plus en plus incitées à maximiser la valeur actionnariale à court terme, souvent au détriment de considérations à plus long terme comme l’écologie. 

 

 
 

Limites et critiques de la financiarisation de l’économie 

À l’aune de la pensée de Marcel Mauss, cité dans la première partie, la financiarisation à outrance de la société contemporaine peut être perçue comme une rupture de l'équilibre social et de la réciprocité qui sous-tendent les échanges humains.  

La course à la rentabilité et à la performance des marchés financiers relègue les considérations éthiques et environnementales au second plan, découplant le profit des droits humains et de la préservation de la nature.  


Dans ce contexte, les entreprises sont souvent incitées à maximiser leurs profits en exploitant les ressources naturelles sans égard pour les conséquences environnementales, et en adoptant des pratiques commerciales qui négligent parfois les droits des travailleurs et des communautés locales.
 

 Pour une finance participative éco-responsable
 

Si les normes financières ont évolué, elles sont parfois encore trop floues et il n'existe
pas d’harmonisation des réglementations à l’échelle mondiale. De plus, malgré la montée en popularité des « fonds verts » et des « investissements durables », une part significative des investissements reste dans les énergies fossiles, contrecarrant ainsi les efforts pour lutter contre la crise écologique.  

Le « greenwashing » est également un problème majeur. Le manque de transparence dans certaines pratiques financières rend difficile pour les investisseurs ou les régulateurs de comprendre pleinement les risques associés à certains produits financiers ou les impacts de certaines décisions. 

Lumo, à travers son modèle de financement participatif, s'inscrit résolument dans une démarche en faveur de la transition écologique et de la transparence. En mobilisant les ressources financières des citoyens, cette plateforme s'engage à soutenir des projets entièrement dédiés à cette cause.  

 

Cependant, il est tout aussi essentiel de mobiliser les plus hautes sphères du pouvoir et les grandes entreprises. En effet, les politiques et les réglementations jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre de changements systémiques favorables à l'environnement.  

La collaboration entre les acteurs privés, tels que Lumo, et les autorités publiques est indispensable pour instaurer des cadres réglementaires et des incitations financières propices à la transition écologique. 


 Lire notre article Droit de l’environnement et principe d’écocide 

 Le système financier actuel est largement déconnecté des réalités écologiques et des limites de la planète. Les modèles économiques traditionnels négligent souvent les externalités environnementales, ce qui conduit à une surexploitation des ressources naturelles et à une détérioration accélérée de l'écosystème.  

 

Réorienter la finance vers des pratiques (vraiment) durables et responsables nécessite donc une réévaluation fondamentale des mécanismes financiers et une intégration beaucoup plus poussée des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d'investissement. 


Sources :(1) Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques, 1925.(2) https://www.lafinancepourtous.com/juniors/collegiens/les-monnaies/la-monnaie-quelques-reperes-historiques/(3) Essais philosophiques concernant l'entendement humainDavid Hume, 1689(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Action_(finance)(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Obligation_(finance)(6) https://iris-recherche.qc.ca/blogue/economie-et-capitalisme/quest-ce-que-la-financiarisation-de-leconomie/

Qui sommes-nous ?

Lumo, la plateforme de financement participatif qui met en lumière votre épargne !

Notre objectif : Relever le défi climatique et construire ensemble un avenir durable.

Notre mission : Permettre à chacun d’accélérer la transition écologique en finançant des projets à impact positif.

A découvrir sur Lumo

Diversifiez votre patrimoine et devenez acteur de la transition énergétique

  • Des offres exclusives
  • Sans frais pour les investisseurs
  • Accessible à partir de 50 €