Filières de recyclage des énergies renouvelables (1/2) : comment gérer les déchets et assurer le recyclage des équipements solaires ?
Les énergies renouvelables, telles que l’énergie solaire, éolienne, hydraulique et le biogaz, jouent un rôle crucial dans la transition mondiale vers un avenir énergétique plus propre et plus durable.
Ces sources d’énergie, respectueuses de l’environnement, sont essentielles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, atténuer le dérèglement climatique et diversifier notre approvisionnement. Cependant, à mesure que ces technologies se développent et se déploient à grande échelle, la question de leur fin de vie est primordiale.
De nombreuses fausses rumeurs courent sur les capacités de recyclage des énergies renouvelables qui, dans leur globalité, auront toujours des externalités négatives bien moindres que les énergies fossiles.
Par souci de transparence, nous souhaitons pouvoir discuter aussi bien des aspects positifs que des voies d’amélioration qu'il reste encore à parcourir dans ce domaine.
Si nous sommes persuadés qu’elles seront la pierre angulaire de la transition écologique, les énergies renouvelables restent perfectibles et nous souhaitons mettre à disposition notre plateforme de financement participatif pour les rendre toujours plus vertueuses.
À lire -> Filière de recyclage des éoliennes
- Energie solaire : comment recycle-t-on les panneaux photovoltaïques ?
- Zoom sur le silicium : composant essentiel des cellules photovoltaïques
- 99% des panneaux solaires sont recyclables : vrai ou faux ?
- Un cadre législatif de plus en plus strict pour encadrer les filières de recyclage du photovoltaïque
- Le recyclage des panneaux solaires financés par une écotaxe
- Les limites du recyclage des panneaux solaires et les possibles voies d’amélioration de la filière
- Le recyclage des panneaux solaires dans le monde : une source d’emploi et de profits pour un avenir durable
- Le crowdfunding éco-responsable : un catalyseur pour financer les énergies renouvelables et les recherches en matière de recyclage
Comment recycle-t-on les panneaux photovoltaïques ?
Au terme de leur cycle d’exploitation, les panneaux solaires sont collectés, démontés pour séparer les différents éléments qui les composent. Les étapes de démontage peuvent varier en fonction du type de panneau solaire, mais elles impliquent généralement les actions suivantes :
- Le cadre en aluminium est séparé du reste du panneau. Il représente 10 à 15% du poids total du panneau et est recyclable à l’infini.
- Les câbles et le boîtier électrique sont ensuite récupérés. Ils sont orientés vers les autres lignes de traitement des déchets. Le cuivre ou l’argent (1%) qui les composent en tant que conducteurs sont très recherchés et bien revalorisés. Les plastiques et les polymères (environ 2%) sont généralement brûlés ou utilisés comme combustibles. Ce sont actuellement les principaux éléments peu ou pas recyclés.
- Les matériaux séparés subissent souvent un prétraitement pour éliminer les contaminants et préparer les composants au recyclage. Par exemple, le verre peut être nettoyé pour enlever les traces de plastique ou d’autres substances.
- Les panneaux sont découpés en lamelles grâce à différents broyeurs. Cela permet de récupérer le verre (75%) et le silicium (3 à 5% du poids total) qui compose les cellules photovoltaïques. Les morceaux de cellules broyées et dépoussiérées sont chauffés à des températures élevées dans un four. Le silicium contenu dans les cellules a une température de fusion plus basse que les autres matériaux présents, ce qui permet de le séparer des autres composants. Le silicium récupéré est ensuite soumis à un processus de raffinage pour éliminer les impuretés restantes. Chaque élément rejoint ensuite une filière de recyclage qui lui est propre.
Zoom sur le silicium : composant essentiel des cellules photovoltaïques
Le silicium est photosensible et semi-conducteur, c’est-à-dire qu’il va absorber les photons contenus dans les rayons solaires, transférer l’énergie aux électrons qui le composent et ainsi produire de l’électricité.
Il s’agit du second élément le plus présent sur Terre après l’oxygène. La croûte terrestre en est composée à 28% et il est extrait à partir de quartz ou de sable. Contrairement aux croyances largement répandues, le silicium n’est pas une terre rare, les panneaux solaires n’en contiennent d’ailleurs aucune.
Il est vrai que l’extraction du silicium peut entraîner certains impacts environnementaux, mais la gravité de ces impacts dépend des méthodes utilisées et des pratiques de l’industrie extractive. Elle nécessite une réaction chimique appelée réduction carbothermique qui nécessite une quantité importante d’énergie.
Cette consommation d’énergie peut entraîner des émissions de CO2 si elle est générée à partir de sources d’énergies fossiles. Certains procédés d’extraction du silicium peuvent nécessiter une utilisation importante d’eau, notamment pour le refroidissement et le lavage des matériaux.
Ce processus peut générer des déchets solides et des résidus, tels que les scories, qui peuvent contenir des substances potentiellement nocives.
Si ces déchets ne sont pas correctement traités, ils peuvent avoir un impact sur les sols et les ressources en eau environnantes. Dans certaines régions, l’extraction du silicium peut entraîner la destruction d’habitats naturels et perturber la biodiversité, en particulier si elle est associée à la déforestation ou à la conversion des terres pour son exploitation.
Il convient toutefois de noter que l’industrie du silicium travaille à l’amélioration de ses pratiques pour réduire au maximum son impact environnemental. L’optimisation énergétique, l’usage d’énergies renouvelables, le réemploi de l’eau et la gestion responsable des déchets permettent de minimiser les externalités négatives.
Si l’Europe encadre l’extraction du silicium avec, notamment, La Directive Cadre sur l’Eau, La Directive relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, Le Règlement REACH (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des produits chimiques) ou encore Le Règlement relatif aux déchets, les principaux pays producteurs et exportateurs de silicium sont la Chine, les Etats-Unis, la Russie, la Norvège et le Japon dont la législation diffère en termes d’exigences.1
La production de polysilicium produirait en moyenne 141 kg CO2,eq/kg en Chine contre 87 kg CO2,eq/kg en Allemagne selon Nugent et Sovacool. « Près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre générées par une installation photovoltaïque proviendraient de la phase de production de polysilicium en raison de sa très forte consommation d'électricité. Le contenu carbone d'un panneau photovoltaïque est donc directement dépendant du mix électrique utilisé pour produire le polysilicium ». 2
Toutefois, il est important de souligner que l’impact global de l’extraction du silicium doit être évalué en tenant compte de son usage ultérieur dans les panneaux solaires, qui contribuent à produire une énergie propre et dont l’empreinte carbone globale est bien moindre que celle des énergies fossiles.
De plus, le silicium est toujours récupéré pour fabriquer de nouvelles cellules photovoltaïques. Il est réutilisable jusqu’à 4 fois, ce qui, pour une espérance de vie allant de 30 à 40 ans par panneau solaire, assure un excellent taux de réemploi. Il peut également être fondu et transformé en lingot afin d’être réutilisé par l’industrie métallurgique.
99% des panneaux solaires sont recyclables : vrai ou faux ?
- Verre trempé ou verre laminé -> recyclable à l’infini
- Cadre en aluminium -> recyclable à l’infini
- Cellules photovoltaïques (silicium cristallin et silicium amorphe) -> recyclable et réutilisable 4 fois
- Matériaux d’encapsulation et de protection (plastiques et polymères) -> non recyclables ou trop coûteux à recycler, généralement brûlés ou utilisés comme combustibles
- Métaux conducteurs (argent ou le cuivre) -> recyclables à l’infini
Veuillez noter que les pourcentages donnés peuvent varier légèrement d’un fabricant à l’autre. De plus, il existe d’autres composants et couches minces présents dans les panneaux solaires plus complexes (mais minoritaires sur le marché), tels que les cellules solaires à hétérojonction ou les cellules solaires organiques, qui peuvent avoir des compositions différentes.
Le recyclage des panneaux photovoltaïques est une pratique bien avancée se basant sur des méthodes éprouvées. Il permet d’extraire et de récupérer un large éventail de matières premières, offrant ainsi la possibilité de leur donner une seconde vie.
Toutefois, dans certaines circonstances, le recyclage n’est pas toujours poussé au maximum de son potentiel (estimé à 99%). La revalorisation des plastiques et des polymères est généralement trop coûteuse et rapporte peu.
Par conséquent, la moyenne actuelle se situe plutôt autour des 95%. En comparaison, les réfrigérateurs, les congélateurs, les fours ou les machines à laver atteignent difficilement un taux de recyclage estimé à 70 %.
Un cadre législatif de plus en plus strict pour encadrer les filières de recyclage du photovoltaïque
En Europe, le développement des technologies de recyclage des panneaux photovoltaïques a été stimulé par une réglementation stricte encadrant leur fin de vie. La directive européenne de 2003 relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) a joué un rôle central à cet égard.
Cette directive établi le principe de responsabilité élargie des producteurs, obligeant les fabricants et les importateurs de panneaux solaires à prendre systématiquement en charge la collecte et le recyclage de leurs produits.
En 2007, l’éco-organisme européen à but non lucratif, PV CYCLE, a été créé pour assurer la collecte et le recyclage des panneaux solaires. PV CYCLE collabore avec les fabricants, les installateurs et les recycleurs pour mettre en place des systèmes de collecte et de traitement appropriés.
Grâce à ces initiatives, le taux de recyclage des panneaux solaires en Europe est en constante augmentation. Selon PVE CYCLE, en 2020, environ 5 500 tonnes de panneaux solaires ont été collectées pour le recyclage au sein de l’UE. Toujours selon les mêmes sources, plus de 95% du poids des panneaux solaires sont effectivement collectés et recyclés.3
Le recyclage des panneaux solaires financés par une écotaxe
En France, les fabricants de panneaux ont une obligation de collecte et de traitement imposé par le décret du 19/08/14 4. Le Ceres, puis PVCycle-France devenu aujourd’hui Soren, sont les éco-organismes à but non lucratif agréés par les pouvoir publics dans le but d’organiser la collecte et le traitement de tous les panneaux usagés ou en fin de vie.
La filière repose actuellement sur un réseau de plus de 230 points d’apport volontaire, collectant depuis 2015, 2200 tonnes en moyenne par an répartis dans 5 sites de traitements.6 Les besoins en recyclage sont déjà estimés à 150 000 tonnes / an d’ici 2030, soit un volume 68 fois supérieur.7 Il est donc certain que la main-d’œuvre et les structures devront rapidement se développer pour faire face à cette augmentation.
Une écotaxe, incluse dans le prix de vente du panneau solaire, a donc été mise en place par la Soren afin de financer en amont les coûts imputables au recyclage ou à la revalorisation des matériaux et permettre à cette industrie d’être viable sur le long terme.
Cette écotaxe devra peut-être augmenter à mesure que les exigences de recyclage se renforceront et selon l’évolution des matériaux utilisés dans les panneaux solaires.
L’un des problèmes auxquels se trouve aujourd’hui confrontée l’industrie est que les panneaux comportent de moins en moins de matériaux de haute valeur. L’argent, notamment, a tendance à disparaître, remplacé par le cuivre qui coûte 60 fois moins cher. De même, la réduction de la quantité de matériaux nécessaire à la fabrication d’un panneau constituant un élément clef de la compétitivité des fabricants, on peut s’attendre à ce que le verre, matériau peu coûteux, devienne de plus en plus prépondérant, aux dépens du silicium et des autres matériaux, de valeur supérieure.
Ceci signifie que le recyclage va coûter de plus en plus cher aux usines, et donc à l’utilisateur, à travers l’écotaxe. Cette écotaxe varie actuellement de 2 à 90 centimes d’euros par tranche de poids (de 1 à 50kg), en fonction du poids des panneaux.
— Serge Besenger, Professeur à l’ESCE International Business School, INSEEC U Research Center, OMNES Education.
Le recyclage des panneaux solaires dans le monde : une source d’emploi et de profits pour un avenir durable
D’après l’IRENA (International Renewable Energy Agency), le recyclage des panneaux solaires à l’échelle mondiale devrait permettre de produire, en 2030, jusqu’à 60 millions de nouveaux panneaux solaires à partir des matériaux recyclés. Cela comprend au total plus de 900 000 tonnes de verre, 75 000 tonnes d’aluminium, 100 000 tonnes de polymères, 29 500 tonnes de silicium, 7200 tonnes de cuivre, 310 tonnes de semi-conducteurs, 90 tonnes d’argent ainsi que d’autres métaux présents en très faible quantité dans les panneaux (nickel, plomb, zinc, cadmium, gallium, indium, sélénium) mais totalisant tout de même 390 tonnes. La valeur de tous ces composants est estimée à environ un demi-milliard d’euros.8
Il faut toutefois prendre quelques distances avec ces chiffres dont les calculs datent de 2014. Tout d’abord, l’extension de la durée de vie des nouveaux panneaux solaires est désormais plus longue (jusqu’à 40 ans) et la plupart ne perdraient que 8 à 9% de leurs capacités après 25 ans d’usage (20% prévus initialement dans l’étude de l’IRENA). Cela laisse donc supposer une masse moins importante de déchets à traiter.
Si les installations devaient atteindre les 4500 GwH d’ici à 2050, comme le prévoyait le scénario le plus haut de l’IRENA, la valeur marchande de tous les matériaux recyclés serait de 15 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale !
Les limites du recyclage des panneaux solaires et les possibles voies d’amélioration de la filière
Autre problématique environnementale qu’il ne faut pas négliger : les solvants utilisés lors du démantèlement. Pour démanteler des panneaux solaires, on utilise souvent un mélange de solvants organiques : acétone, méthanol ou isopropanol.
Ces solvants sont utilisés pour dissoudre les matériaux adhésifs et les résidus de colle. Les solvants organiques peuvent être inflammables et doivent donc être manipulés avec précaution. Ils peuvent également être irritants pour la peau, les yeux et les voies respiratoires. Ces produits chimiques sont donc considérés comme toxiques pour l’humain comme pour l’environnement.
Pour l’avenir, les spécialistes estiment que seul le CO2 supercritique permettra de séparer proprement les différentes couches des modules. Il s’agit d’un état particulier du dioxyde de carbone qui se produit à des températures et des pressions spécifiques au-delà de son point critique. C’est-à-dire que le gaz et le liquide n’ont plus de distinctions claires et se trouvent dans un état supercritique, combinant les caractéristiques des deux phases.
Il s’avère être un excellent solvant non toxique, sans effets nocifs sur la santé, extrait de sources naturelles ou recyclées, avec une empreinte carbone bien plus faible que les solvants classiques.
Il permet également une séparation sélective des différents composants, en dissolvant certaines parties tout en préservant les matériaux réutilisables. Sa viabilité économique fait toutefois encore débat au sein des filières.
Quant aux plastiques, polymères et effluents, bien qu’il soit parfois techniquement possible de les recycler, il demeure, pour le moment, plus économique de les brûler. L’incinération est certes encadrée par la réglementation européenne mais n'empêche en rien l’émission des GES.
Malgré les faibles incertitudes qui entourent le recyclage des panneaux solaires, il est important de souligner que leur impact global reste largement inférieur à celui des énergies fossiles. Les panneaux solaires sont considérés comme une source d’énergie propre et renouvelable, contribuant à la lutte contre le changement climatique. Selon une étude de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la production d’électricité à partir de l’énergie solaire photovoltaïque génère en moyenne 20 à 50 grammes de CO2 par kilowatt-heure, comparé à 820-1050g CO2/kWh pour le charbon ou le gaz naturel.
L’étude de la revue Environnemental Science & Technology a analysé les émissions de GES tout au long du cycle de vie des panneaux solaire. Elle parvient à la conclusion que même en tenant compte de la fabrication, du transport, de l’utilisation et du recyclage, les émissions totales des panneaux solaires sont largement inférieures à celles des énergies fossiles.9
Il convient également de préciser que l’industrie solaire s’engage activement dans la recherche et le développement de nouvelles technologies et de solutions de recyclage plus efficaces. Des initiatives sont en cours pour améliorer davantage le taux de recyclage, ainsi que pour développer des processus plus durables et économiquement viables.
Le crowdfunding éco-responsable : un catalyseur pour financer les énergies renouvelables et les recherches en matière de recyclage
Dans un monde confronté aux défis du changement climatique et à l’épuisement des ressources naturelles, il est impératif de trouver des solutions durables pour produire de l’énergie et gérer les déchets imputables à ce secteur.
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Sources : [1] https://www.mineralinfo.fr/fr/ecomine/silicium-un-element-chimique-tres-abondant-un-affinage-strategique [2] D. Nugent et B. K. Sovacool, « Assessing the lifecycle greenhouse gas emissions from solar PV and wind energy: A critical meta-survey », Energy Policy, vol. 65, p. 229‑244, févr. 2014, doi: 10.1016/j.enpol.2013.10.048. [3] https://pvcycle.org/wp-content/uploads/2021/04/PV-CYCLE-Annual-Report-2020.pdf [4] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029387124 [6] https://www.soren.eco/collecte-panneaux-solaires-photovoltaiques/ [7] https://www.innovation24.news/2022/12/15/comment-recycle-t-on-les-panneaux-solaires/ [8] https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2014/IRENA_REmap_2030_summary_FR_2014.pdf [9] Environnemental Science & Technology – Life Cycle Greenhous Gas Emissions of Solare Photovoltaics : A Systematic Review and Harmonization, 2015