L’hydrogène peut-il répondre aux enjeux des mobilités logistiques dans le cadre de la transition énergétique ?
Au niveau mondial, la consommation d'énergie finale des transports est fortement dépendante des carburants pétroliers, particulièrement les transports routiers et aériens.
Selon l'Agence européenne pour l'environnement, les automobiles, les camionnettes, les camions et les bus génèrent plus de 70 % des émissions globales de gaz à effet de serre du secteur des transports.1
Pour réduire l'empreinte carbone de la logistique en Europe, plusieurs initiatives ont été mises en place, telles que le déploiement de véhicules bas carbone ou le développement de technologies de gestion et d’optimisation des tournées.
De plus en plus d'entreprises se fixent également des objectifs de neutralité carbone et cherchent à réduire les émissions de gaz à effet de serre de leurs opérations logistiques.
Dans le secteur de la Supply Chain, l'hydrogène peut être utilisé pour alimenter des flottes de camions, de trains voire de navires. Les avantages de l'hydrogène sont particulièrement importants pour les véhicules lourds qui ont besoin d'une grande quantité d'énergie pour fonctionner or, l’hydrogène présente une densité énergétique élevée.
En utilisant l'hydrogène vert comme carburant, ces véhicules peuvent réduire considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre et contribuer à une logistique plus durable.
Il existe toutefois encore de nombreux défis à relever pour que le secteur des véhicules à hydrogène soit réellement durable et en phase avec une stratégie énergétique réellement décarbonée. Cet article vous propose de faire le point sur ses avantages et ses limites.
- Fonctionnement des véhicules à hydrogène
- Comment fabriquer de l'hydrogène à partir des énergies renouvelables ?
- Quelle différence entre l'hydrogène et l'hydrogène vert ?
- L’hydrogène comme enjeu majeur dans le développement durable de la logistique
Fonctionnement des véhicules à hydrogène
Les véhicules à hydrogène, également appelés véhicules à pile à combustible, fonctionnent en utilisant de l'hydrogène comme source d'énergie pour produire de l'électricité. Ils sont alimentés par l'intermédiaire d'un réservoir de stockage à haute pression.
Lorsque de l'hydrogène est combiné avec de l'oxygène dans la pile à combustible, cela créé de l'électricité, de la chaleur et de l'eau. L'électricité produite est ensuite utilisée pour alimenter le moteur électrique du véhicule qui entraîne le fonctionnement des roues. Cela rend les véhicules à hydrogène plus écologiques que ceux fonctionnant avec des moteurs thermiques qui émettent de nombreuses particules nocives.
Les piles à combustible ne sont cependant pas neutres en carbone. La présence de métaux coûteux et rares comme le ruthénium et le platine pose en effet problème d’un point de vue écologique. De plus, il n’existe pas encore, à ce jour, de procédés de recyclages industriels dédiés aux piles à combustible.
L'hydrogène peut être produit à partir de sources d'énergie renouvelables telles que l'énergie solaire et éolienne ou, à partir de sources fossiles telles que le gaz naturel, le pétrole ou le charbon.
Comment fabriquer de l'hydrogène à partir des énergies renouvelables ?
Les énergies renouvelables présentent des avantages environnementaux considérables par rapport aux énergies fossiles mais leur production reste variable (les éoliennes dépendent du vent et les panneaux solaires de l’ensoleillement). Pour exploiter pleinement leur potentiel, il est donc nécessaire de stocker l’énergie produite et de la libérer au moment opportun pour répondre aux besoins énergétiques à l’instant T.
Une solution prometteuse pour stocker l’énergie produite par les énergies renouvelables est l’hydrogène. L’électricité excédentaire produite par les EnR est transformée en hydrogène par un procédé que l’on maîtrise très bien : l’électrolyse de l’eau. Cette technologie ne produit aucun GES et permet de stocker l’hydrogène sous forme gazeuse, liquide ou solide.
L'hydrogène vert peut ensuite être utilisé dans des véhicules ou converti en électricité et réinjecté dans le réseau public. Le gouvernement français considère que la production d’hydrogène par électrolyse est une solution de stockage à long terme pour intégrer les énergies renouvelables dans le système électrique et le moyen le plus prometteur de stockage inter-saison (l’hiver, la consommation étant plus forte, l’hydrogène peut être un moyen d’utiliser l’énergie excédentaire produite par les éoliennes et le solaire en été).
Cependant, des études ont démontré qu’avec les systèmes d’électrolyse actuels, le rendement global n’était que de 25% en moyenne. Cela signifie qu’il faudrait théoriquement produire 4GWh d’énergie pour récupérer 1 GWh après stockage.3
Il existe cependant l’espoir d’améliorer les rendements grâce à de nouvelles technologies d’électrolyse qui ne sont, actuellement, pas encore matures. Avec la recherche et les investissements appropriés, cette technologie pourrait devenir opérationnelle à grande échelle tout en réduisant considérablement les coûts.
Quelle différence entre l'hydrogène et l'hydrogène vert ?
- L’hydrogène vert est fabriqué par électrolyse de l’eau à partir d’électricité provenant uniquement d’énergies renouvelables
- L’hydrogène gris est fabriqué par procédés thermochimiques avec comme matières premières des sources fossiles (charbon ou gaz naturel)
- L’hydrogène bleu est fabriqué de la même manière que l’hydrogène gris, à la différence que le CO2 émis lors de la fabrication sera capté pour être réutilisé ou stocké
- L’hydrogène jaune, plus spécifique à la France, est fabriqué par électrolyse comme l’hydrogène vert mais l’électricité provient essentiellement de l’énergie nucléaire.
.
L’Ademe a récemment suggéré de changer la terminologie. L’hydrogène qui était jusqu’ici appelé "vert " est désormais appelé " renouvelable ", l’hydrogène " gris " devient " fossile ", et enfin, les hydrogènes " bleu " et " jaune " sont regroupés sous l’appellation "bas-carbone". 4
Actuellement, l’Europe prévoit les conditions suivantes pour produire de l’hydrogène dit “vert”, afin de le différencier de l’hydrogène carboné :
« Les Actes Délégués (de la commission européenne, ndlr) permettent ainsi de qualifier de « renouvelable » de l’hydrogène produit à partir de multiples sources de production d’énergie « bas carbone », et pas seulement des installations spécifiquement dédiées.
On pourra ainsi produire de l’hydrogène renouvelable grâce à de l’électricité renouvelable mais aussi grâce à l’électricité du réseau si celle-ci se situe à moins de 64.8 g de CO2/kWh.
On pourra donc par exemple produire de l’hydrogène renouvelable avec l’électricité du réseau français (relativement bas carbone) même si celui-ci ne compte qu’à peine un quart d’électricité réellement renouvelable. Seule condition : que les producteurs fournissent des garanties d’origine d’électricité renouvelable pour chaque kWh d’électricité utilisée.
Officiellement, la proposition d’intégrer dans l’hydrogène renouvelable le gaz produit à partir de nucléaire devrait être tranchée par un autre acte d’ici décembre 2024.
Mais dans les faits, ce seuil de 64.8 g de CO2/kWh permet déjà de mettre sur le marché de l’hydrogène « renouvelable » mais d’origine nucléaire en achetant des garanties d’origine. »2
Pour en savoir plus : Les impacts environnementaux et sociétaux de l'hydrogène vert : une solution réellement durable ?
L’hydrogène comme enjeu majeur dans le développement durable de la logistique
Selon une étude menée par le cabinet de conseil McKinsey & Company, les camions à hydrogène pourraient représenter jusqu’à 20% des camions de plus 16 tonnes en Europe d’ici 2030, ce qui représente un potentiel de marché de plus de 300 000 véhicules. 5
Les véhicules à hydrogène offrent plusieurs avantages pour les entreprises de logistique, notamment :
- Emissions zéro : Les véhicules à hydrogène ne produisent que de la vapeur d’eau, ce qui en fait une alternative propre et durable comparé aux camions diesel traditionnels.
- Autonomie : Les véhicules à hydrogène ont une autonomie plus élevée que les véhicules électriques à batteries, ce qui est un avantage important pour les très longues distances (jusqu’à 1000-1500km pour les modèles PL les plus performants).
- Temps de ravitaillement rapide : Les véhicules à hydrogène peuvent être remplis en quelques minutes, contrairement aux véhicules électriques qui nécessitent plusieurs heures de recharge.
- Capacité de charge : Les camions à hydrogène peuvent transporter une charge importante, ce qui les rend idéaux pour les entreprises qui ont besoin de livrer de grandes quantités de marchandises.
- Haute densité énergétique : L'hydrogène a une densité énergétique élevée, ce qui signifie qu'il contient beaucoup d'énergie par unité de masse. La combustion d’un kilo d’hydrogène libère trois fois plus d’énergie que celle d’un kilo d’essence
- Disponibilité : L'hydrogène est l'élément le plus abondant de l'univers, ce qui signifie qu'il est disponible en quantité quasi infinie. Bien qu'il ne soit pas présent à l'état pur sur Terre, il reste relativement simple à produire.
Malgré tous ces avantages, les véhicules à hydrogène se confrontent encore à de nombreux défis :
- Coûts initiaux élevés : Les véhicules à hydrogène sont plus coûteux à l’achat que les camions diesel traditionnels ou même que les camions électriques à batterie.
- Infrastructure limitée : Il existe encore peu de stations de ravitaillement en hydrogène en Europe, ce qui rend difficile l’utilisation des véhicules hydrogène sur de très longues distances bien que les récents modèles de poids lourds assurent des distances allant jusqu'à 1000-1500km.6 En France, il faudrait mettre en place 25 stations hydrogène PL d’ici 2025 et 120 stations avant 2030 selon l’ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles). Un objectif à l’échelle de l’UE d’environ 300 stations de ravitaillement en hydrogène adaptées aux camions d’ici 2025, et d’au moins 1 000 au plus tard à 2030, devrait être fixé.7
- Coûts de fonctionnement : Les coûts de l’hydrogène sont actuellement plus élevés que ceux du diesel, bien que cette situation devrait s’améliorer à mesure que la demande augmentera et que les coûts de production baisseront.
- Un hydrogène pas vraiment “renouvelable” : Pour s’assurer que l’hydrogène soit réellement vert, il devrait être produit à partir d’un électrolyseur possédant sa propre centrale de production d’énergie renouvelable. Actuellement, pour des raisons économiques, l’hydrogène est issu à 95 % de la transformation d’énergies fossiles, dont pour près de la moitié à partir du gaz naturel.8
Sources :1 https://www.eea.europa.eu/fr/themes/transport/intro2 https://youmatter.world/fr/hydrogene-vert-renouvelable-reglementation-europeenne/3 https://www.afis.org/Stockage-d-energie-les-rendements-problematiques-de-la-strategie-power-to-gas4 https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/energies-renouvelables/tout-savoir-lhydrogene5 https://www.mckinsey.com/industries/automotive-and-assembly/our-insights/preparing-the-world-for-zero-emission-trucks6 https://www.h2-mobile.fr/actus/camion-hydrogene-quantron-1500-km-autonomie/#:~:text=Leurs%20r%C3%A9servoirs%20%C3%A9tant%20positionn%C3%A9s%20derri%C3%A8re,500%20km%20avec%20un%20plein.7 https://trm24.fr/lacea-publie-une-carte-des-stations-hydrogene-necessaires-dici-2030/8 https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/energies-renouvelables/tout-savoir-lhydrogene