L'interview Lumo... avec Enoé
À l'occasion de la collecte "Développement Solaire Enoé", Marc Watrin, Co-fondateur du groupe, nous partage dans cet entretien son parcours, la vision et les valeurs qui réunissent les membres constituant cette entreprise française, ainsi que la raison de son choix pour l'investissement citoyen.
Monsieur Watrin, parlez-nous de vous, de votre parcours et de votre rencontre avec les 2 autres cofondateurs d’Enoé. Qu’est-ce qui vous a animé pour vous lancer dans cette aventure ?
J’ai 50 ans, et j’ai un parcours professionnel assez simple. J’ai passé 10 ans dans un gros groupe américain qui s’appelle « Procter et Gamble » dans des fonctions commerciales et marketing.
Et puis pour des raisons essentiellement de climat et familiales, j’ai migré dans le sud de la France. Au vu de mon parcours, je suis assez naturellement tombé dans l’entreprenariat avec une première expérience où en 2008, j’ai co-fondé avec deux associés une société qui s’appelle Tenergie.
Tenergie est un producteur indépendant d’électricité renouvelable essentiellement axé sur le solaire et l’éolien. J’ai occupé des fonctions en lien avec le développement et la direction générale pendant un peu moins de 10 ans. Puis, nous avons profité d’une opération de refinancement pour que l'un des associés continue l’aventure et que les 2 autres s'en retirent. C’était une belle aventure !
À ce moment là, je n’avais pas forcément envie de me tourner à nouveau dans l’entreprenariat, j’ai donc travaillé sur des projets de fondations liées à des causes environnementales. Ensuite et assez naturellement, j'ai eu l’envie de refaire un métier que je connaissais bien, à savoir développer des centrales solaires.
J'étais convaincu que dans le contexte actuel de transition énergétique, là où je pouvais être le plus efficace par rapport à ce que je savais faire, c’était en contribuant au développement du solaire en France.
J’ai toujours aimé et souhaité travailler à plusieurs, j’ai donc repris contact avec mon réseau. C'est ainsi que j'ai échangé avec Anthony et Marc, qui à l’époque, avaient fondé une société qui s’appelait Éco-green Développement et qui faisait du développement solaire en France.
On s’est rendu compte que l’on partageait la même vision, avec la même certitude sur le fait que le marché de l’électricité allait bouger et que le solaire devenait incontournable. En effet, d’un point de vue économique, le secteur est compétitif, et les business models sont en train d'évoluer avec des contrats passés directement auprès des consommateurs finaux, en parallèle des mécanismes d’appels d’offres et de soutien de l’état.
C’était l’idée de base qui nous a réunie il y a maintenant un peu plus de 4 ans.
La deuxième chose était l’envie de créer à travers Enoé, une aventure qui aurait du sens pour nous, avec la volonté de s’entourer des bonnes personnes. En effet, sur chacun des métiers qui composent Enoé, nous avons recruté des femmes et des hommes expérimentés, animés par des valeurs et une envie communes. Finalement, la naissance d’Enoé s’est faite avec une petite dizaine de personnes.
Que signifie le mot "Enoé" ?
Le mot Enoé est un double clin d’œil.
Un premier clin d’œil aux énergies renouvelables, avec les deux premières lettres. Et puis, à l’époque l'histoire de "Noé" nous est venue parce qu'effectivement on était convaincus des bienfaits du métier qu’on exerçait. On avait cette volonté d’embarquer les gens dans une aventure commune, sans tomber dans le côté dramatique à dire "on va sauver la planète". On avait plutôt cette conviction : on se met tous ensemble et puis on va faire ce que l'on peut, continuer à faire avancer la cause sur des sujets où l'on pense que l’on fait du bien. C’est comme ça qu’on a trouvé ce petit clin d’œil à l’arche de Noé.
À propos de l’entreprise en elle-même, quelles sont justement les expertises d’Enoé et des personnes qui la composent ?
Aujourd’hui, nous sommes 130 collaborateurs. Enoé a une croissance qui est assez rapide : elle possède en propre 3 Méga Watt d’actifs. Nous avons cette volonté à terme, avec une 1ère étape qu’on fixe à 2027, de détenir 1 Giga Watt de solaire en France, d’être dans la capacité de sortir une centaine de Méga Watt de toitures par an et de pouvoir déposer en rythme de croisière 700 Méga Watt de projets au sol.
Nous entendons beaucoup parler d’Enoé et de son engagement dans l’agrivoltaïsme, dites-nous en plus.
L’une de nos particularités, c’est que dans notre histoire commune avec Marc et Anthony, on a travaillé pendant des années sur un modèle où l'on offrait à des agriculteurs des bâtiments en contrepartie de l’utilisation de leurs toitures.
Finalement, depuis une quinzaine d’années (parce qu’on fait partie des "vieux" de la profession et que l'on était dans les premiers) nous avons été au contact du monde agricole de manière assez intensive. En effet, en cumulé à nous trois, nous avons dû rencontrer plus de 1500 agriculteurs et de fait, nous avons été assez sensibilisés sur les problématiques agricoles.
Nous avons trouvé intelligent dès le début, de faire ce lien et de trouver des synergies positives entre les exploitations agricoles et les problématiques énergétiques.
Dans un contexte où l'on sait qu’aujourd’hui 36 % des agriculteurs vont partir à la retraite dans les 5 prochaines années, il y a une problématique de renouvellement des générations. Quand on prend tous ces ingrédients, il y a plein de sujets intelligents sur lesquels plancher ; on s’est rapprochés des syndicats agricoles et on a beaucoup travaillé avec la Fédération Nationale Ovine pour pouvoir développer une vraie synergie entre une installation solaire et l’élevage ovin. On a avancé de manière conjointe, et du fait de tout cela, il nous a semblé logique de recruter beaucoup d’agronomes dans nos équipes.
Au sein du groupe, une quinzaine de personnes ne connaissaient pas le monde du solaire à leur arrivée mais avaient une solide formation agricole !
C’est très intéressant car complémentaire ! Nous avons les équipes solaires qui œuvrent à développer le solaire sur le territoire et les agronomes qui connaissent les sujets agricoles et travaillent en collaboration avec des experts de l’énergie.
L’objectif en interne, c’est de trouver un consensus.
Une fois qu'on l'a trouvé, le but est de le faire valider par l’ensemble des territoires, des syndicats et des professions. On travaille beaucoup avec des fonds d’agriculture et lycées agricoles pour essayer d’aider de jeunes agriculteurs à s’installer et à faire que certaines cultures historiques ou traditions agricoles, comme par exemple l’élevage ovin, puissent perdurer au sein des territoires.
Vous avez donc une double vocation : la transition écologique via le solaire et le secteur agricole, avec une spécificité dans le monde ovin en France ?
C’est ce qui nous anime en tant qu'associés d'Enoé : résonner un peu plus au niveau macroéconomique pour résoudre les problématiques collectives que l’on connaît.
Finalement, on a deux secteurs qui sont clés et dont on aura besoin dans les prochaines années : le secteur de l’énergie et le secteur agricole.
Au sujet de l'énergie, les prévisions à horizon 2050 (via le rapport RTE) annoncent plus 40 % de production d’électricité nécessaire. On sait que pour répondre à cette problématique énergétique, le solaire est une solution incontournable et reconnue par tous ; Aucun scénario n'est imaginé aujourd’hui sans le solaire !
La France a fait le choix de dire "on va continuer le nucléaire et on va développer les énergies renouvelables". Dans les énergies renouvelables le solaire est aujourd’hui, il me semble, une évidence.
Le deuxième sujet : le mix agricole lié aussi à celui de la biodiversité, où l'on doit aujourd'hui se réinventer. Tenter de développer des systèmes nous amuse et nous motive.
Nous avons un peu parlé de l’élevage, on pourrait aussi parler des cultures où l'on développe également des systèmes permettant la protection de ces dernières afin d’éviter le gel ou encore des intempéries liées à la grêle, et ceci dans le but de contribuer à la transition agricole. C’est ça qui nous motive tous les matins : se dire que dans toutes les problématiques que nos générations doivent résoudre dans les 50 prochaines années à venir, il y en aura au moins deux pour lesquelles Enoé essaie d’apporter sa pierre à l’édifice.
Pourquoi choisir une ouverture de votre financement à l’investissement citoyen ?
Il y a une vraie logique à cela, aujourd’hui on a une vision très territoriale de nos développements. Nous travaillons des projets sur des territoires très larges, avec l’ensemble des intervenants, les communes, les mairies... Dans certaines zones, lorsque l'on permet à des jeunes de s’installer, cela évite à certaines écoles de fermer. Ce sont des effets indirects qui nous font bénéficier d'un accueil en local qui est extrêmement positif.
Bien sûr, il faut toujours convaincre, toujours expliquer, parce que plus il y a de monde, plus il faut détailler ce que nous faisons. Il s'agit de pédagogie et dans cette logique-là, impliquer les citoyens au cœur des territoires sur lesquels nous nous développons est une évidence. Cela permet de boucler la boucle et de se dire que les données économiques liées aux projets vont pouvoir ruisseler au sein des territoires avec les gens qui, tous les jours, y vivent.
(Entretien effectué lors de la collecte de 2022 Développement Solaire ENOÉ sur Lumo)